La subversion

La subversion« L’idéal de la guerre, c’est vaincre sans combattre »
« Tout l’art de la guerre repose sur la duperie. »
Sunzi, L’art de la guerre[1]

« La subversion des normes est intrinsèquement  liée à la transformation du droit, car c’est par le droit que les normes sont imposées à tous. »
Didier Eribon lors d’une journée d’études au CNRS le 8 avril 2013
« Au-delà du mariage : de l’égalité des droits à la critique des normes »

« La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » écrivait Clausewitz dans son magistral traité de stratégie De la guerre. Si celui-ci a brillé dans son analyse de la guerre conventionnelle – deux armées de force égale s’affrontant sur un champ de bataille, la victoire de l’un ou l’autre camp étant celle de celui qui survit au choc – David Galula, auteur de Contre-Insurrection est le penseur incontestable de la guerre non conventionnelle, dite guérilla ou guerre asymétrique – des insurgés ne livrant pas de bataille rangée et trouvant protection auprès de la population civile plutôt que dans la technique ou le nombre. L’art chinois de la guerre[2], quant à lui, s’arrête là où Clausewitz commence, en mettant l’accent non pas sur la résolution du conflit en lui-même, mais sur les moyens à mettre en œuvre pour tuer préventivement toute velléité offensive de l’adversaire. Cette théorie de la guerre est en réalité une théorie de la non-guerre, bref, de la subversion.

C’est ce terme que reprendra Yuri Bezmenov pour une conférence faite à Los Angeles en 1983. Cet agent du KGB travaillait comme journaliste pour l’agence de presse Ria Novosti. Après un séjour en Inde, il commença à prendre ses distances avec le régime de Moscou, décida de passer à l’Ouest où il prit le pseudonyme de Tomas D. Schuman. Il fit de nombreuses conférences sur la subversion idéologique mise en œuvre par les soviétiques dont il expliqua de manière très détaillée le mode opératoire.

I. Une forme de guerre non conventionnelle

Le terme de subversion vient du latin subvertere qui signifie étymologiquement renversement de l’ordre établi. C’est une tactique spécifique qui peut être mise au service de n’importe quelle cause. Il ne s’agit pas ici de bataille rangée, de conflits intra-étatiques, d’agitation ou d’un complot armé mais d’une politique d’influence agressive visant à détruire l’ennemi de l’intérieur, de créer une situation antagonique qui poussera l’ennemi à l’autodestruction en affaiblissant son pouvoir et en démoralisant ses citoyens. L’action subversive obéit à un triple objectif : démoraliser la nation visée et désintégrer les groupes dont elle est composée ; discréditer l’autorité et ses relais (défenseurs, fonctionnaires, notables, corps constitués) ; neutraliser les masses pour éviter toute intervention en faveur de l’ordre établi au moment de la prise du pouvoir, rapide et peu ou pas violente. L’État s’effondre de lui-même dans l’indifférence du plus grand nombre, l’armée démoralisée et méprisée cesse par elle-même de combattre, ses chefs démissionnent de leur propre initiative. Plutôt que d’imposer une politique par la force, au mépris du droit des gens, il s’agit de capter l’attention de son ennemi en bouleversant des valeurs fondamentales pour lui jusqu’à ce qu’il ait perdu toute notion du bien et du mal. La subversion est donc l’art de mener une guerre sans en avoir l’air, par le verbe, la plume et l’influence discrète plutôt que par les armes, en étroite connivence avec son ennemi, sans verser la moindre goutte de sang et avec une grande économie de moyens. Les agents d’influence ne seront pas des militaires ou des espions, mais des étudiants en échange, des diplomates, des acteurs, des journalistes… Comme en aïkido (合氣道), c’est l’art de déséquilibrer son adversaire en utilisant sa force ou son agressivité propre ; comme au go, l’art de le vaincre sans l’anéantir.

La guerre ouverte entre États impliquant à l’ère de la dissuasion nucléaire une possible « montée aux extrêmes » extrêmement dangereuse, la résolution des conflits est aujourd’hui essentiellement dévolue aux services secrets et aux forces spéciales. Il est devenu en effet vital d’éviter à tout prix le conflit armé ou des mesures d’embargo économique qui pourraient mettre en péril les sociétés elles-mêmes. Abolissant la distinction faite par Carl Schmitt entre ami et ennemi, ce nouveau paradigme ne désigne pas l’ennemi véritable comme tel à l’opinion publique mais peut le faire apparaître parfois même comme un « allié[3].». Aujourd’hui, nous pouvons remarquer un changement radical dans la conduite de la guerre : la subversion en est devenu l’élément principal! La montée en puissance des moyens de communication et de la sphère médiatique, capables de toucher individuellement et simultanément un grand nombre de citoyens a amplifié le phénomène de subversion[4] et a permis que le corps social soit travaillé en permanence par des stratégies d’influence[5] et de contre-influence extrêmement subtiles. Au lieu d’envoyer des armées aux frontières du pays à attaquer, on suscitera, par l’action d’agents subversifs – conscients ou inconscients – un processus de pourrissement de l’autorité pendant que des petits groupes de partisans prétendant émaner du peuple et agir en son nom engageront une « guerre révolutionnaire de libération » afin d’accélérer le processus subversif et prendre le pouvoir[6]. Ce nouveau paradigme de guerre psychologique, non conventionnelle, fait voler en éclat la distinction classique entre guerre et paix et se rapproche davantage d’un état de guerre total et permanent dont la cible est non plus l’anéantissement du militaire, mais le contrôle psychosociologique du civil[7].

Au delà de toute reductio ad conspiratium, il apparaît nécessaire de rappeler que l’essentiel de la politique se fait entre les portes, autant par les banques ou les officines de pouvoir que par les États eux-mêmes[8]. Ceux-ci ont évidemment, du fait de leur pouvoir régalien, des missions de surveillance et de contre-surveillance, d’influence et de contre-influence dans le cadre desquelles rentrent toutes les formes dites d’intelligence domestique (surveillance des groupes sociaux, médias, culture, lutte anti-terroriste, anti-mafieuse, protection des frontières, etc.), mais ce ne sont pas, et de loin, les seuls acteurs de ce vaste jeu politique. Au sein même des pays, des nations, des sociétés, s’affrontent de nombreux groupes d’intérêts, entreprises, associations, minorités agissantes, oligarchies diverses dans des luttes d’intérêts ou de pouvoir, voire même de petites cabales internationales[9]. La tentation conspirationniste sera d’attribuer à un seul acteur le produit de ce qui est la convergence d’intérêts de plusieurs acteurs liés entrant dans la catégorie de ce qu’on appelle l’État profond, et dont l’action forme processus.

Les conflits de valeurs qui sont la conséquence de cette friction sont le lot commun de toutes les sociétés, mais ils peuvent être utilisés à des fins bien précises. Le principe est simple : prolonger le mouvement naturel de ces groupes sociaux (et leurs inévitables conflits) pour les amener à se heurter les uns contre les autres implique que les sociétés ne sont manipulables que si elles prêtent le flanc à la subversion. Si la société américaine, régime de liberté s’il en est, était très réceptive à la propagande soviétique, l’inverse n’était pas possible étant donné, dit Bezmenov, que la propagande américaine ne parvenait jamais à passer entre les mailles du système de contrôle étroit de la population mis en place par le régime. Dans le même registre, la France sera plus réceptive à ce genre de stratégies d’influence que la République populaire de Chine qui dispose de ses propres canaux d’information – médias, plates-formes vidéo (Youku), moteurs de recherches (Baidu) ou réseaux sociaux (Weibo ou QQ) et de ce fait restreint l’influence étrangère.

Si les sociétés sont différemment sensibles à la subversion, les groupes qui la composent n’adoptent pas la même attitude face au changement suivant sa nature. Une certaine catégorie sera plus prompte à innover[10], suivie très rapidement par des leaders d’opinion réagissant favorablement à leur influence et qui serviront de relais. De l’autre côté, les plus rétifs au changement mettront en place des stratégies de résistance et seront suivi à leur tour par des leaders d’opinion plus pessimistes c’est à dire considérant le changement comme une mauvaise chose dans un domaine particulier. Entre ces deux pôles, on trouve la majorité silencieuse composée des citoyens qui ne sont pas intéressés ou qui se laissent porter par le vent dominant. Cette masse silencieuse est une création de la subversion et le produit de l’entreprise de sidération et de neutralisation des masses engagée par les agents subversifs. La stratégie des minorités agissantes sera non pas d’obtenir la sympathie de l’opinion publique mais son apathie et sa non-intervention de manière à ce qu’elle ne se révolte pas contre ses nouveaux dirigeants quand le moment sera venu. Le but de la subversion est donc d’obtenir l’isolation des citoyens et de provoquer un comportement d’auto-inhibition. Les résistants finissent par se rallier, sont réduits au silence par la marginalisation.

Il ne s’agit pas ici d’identifier des acteurs précis, la stratégie de subversion s’appliquant à n’importe quelle cause, mais de nous pencher un peu plus en détail sur un processus qui prend place sur le long terme et se déploie en quatre phases que nous allons détailler ici.

II. Le processus de subversion

Toute société est fondée sur un certain nombre de valeurs et de structures qui constituent un propre. Les sociétés démocratiques ont ceci de particulier qu’elles sont constituées de nombreux mouvements distincts et antagonistes susceptible de s’opposer entre eux comme au pouvoir. Quand ces mouvements – ou certains d’entre eux – convergent, il suffit de les pousser à prolonger leur action jusqu’à ce qu’ils provoquent une crise. Les agences de propagande pourront assez facilement accompagner les revendications d’égalité de groupes marginaux ou laissés pour compte en leur procurant les moyens de leurs ambitions, allant de ressources sonnantes et trébuchantes à de l’armement en passant par du matériel d’impression.

1) Démoralisation[11]

La subversion s’attaquera à six domaines particuliers :

  • La religion : dénigrer les croyances traditionnelles et les tourner en dérision, les remplacer par des sectes ou des cultes divers, primitifs ou archaïques. Mircéa Eliade comme Christopher Lash se sont étonnés que les sociétés de Progrès retournent à des cultes archaïques, néo-païens ou des superstitions millénaristes.
  • L’éducation : remplacer les savoirs traditionnels, efficaces et scientifiques, par des savoirs inutiles. Les programmes des universités sont aujourd’hui truffés de ces « unités d’enseignement », remplaçant la chronologie par des thématiques absconses.
  • La vie sociale : remplacer les liens naturels entre les gens par des organes bureaucratiques contrôlés par l’État: les associations de travailleurs sociaux, les experts divers depuis la naissance jusqu’à la mort, comme en Chine populaire les danwei, unités de travail abolies dans les années 90 mais qui subsistent encore.
  • Les organes de pouvoir : substituer aux élus des gens incompétents qui n’ont pas le soutien du peuple ou des organes artificiels censés être représentatifs. L’action néfaste de ces technocrates permettra de renforcer un certain sentiment de fatalisme ou de perte de confiance.
  • Justice et corps constitués : ridiculiser les corps constitués, les faire passer pour des gens incompétents ou des gens qui abusent de leur pouvoir. Éroder la distinction entre ce qui est criminel et ce qui ne l’est pas. Ces relais de l’autorité apparaissent comme corrompus – et le sont peut-être devenus !
  • Relations professionnelles : déconsidérer les relations entre patron et employé. Donner une importance croissante aux syndicats, des « partenaires sociaux » qui deviendront une seconde oligarchie parallèlement aux fonctionnaires et prendront le contrôle des discussions sociales.

Il s’agit donc de semer le doute sur les valeurs fondatrices de la société visée, le doute personnel sur ses propres capacités à combattre, renforcer la certitude que l’ennemi est plus résolu que soi, la remise en cause globale des institutions et leur incapacité à remplir la tâche qui leur est propre. À ce stade, l’entreprise de démoralisation peut être contrée par un retour à la religion, aux choses spirituelles, dit Bezmenov.

2) Déstabilisation

Lorsque les anciens relais de pouvoir ou les anciennes structures ont été rendus sensibles aux nouvelles valeurs, lorsqu’il n’y a plus de différence entre le bien et le mal et lorsque les églises elles-mêmes prennent la défense des valeurs dominantes, alors il suffit simplement de laisser les choses se faire, agir sans forcer. A ce stade, tout compromis devient impossible. On assiste à une radicalisation antagoniste de la société civile et une « montée aux extrêmes » : les familles se divisent, les relations hiérarchiques se détériorent et le conflit devient la norme. La police et la justice prennent ici de plus en plus d’importance : les différends ne peuvent plus être réglés à l’amiable et finissent chaque fois devant les tribunaux. C’est en général à ce stade que certaines « minorités actives » commencent à acquérir plus de pouvoir[12], que l’on réveille les agents dormants ou que des personnes ultra-politisées apparaissent sur le devant de la scène. La division du corps social a toujours été un moyen facile de contrôle des peuples et profite toujours à d’autres, en général aux « grands[13] » ou même à un ennemi extérieur plus ou moins puissant. Affaiblir la résilience d’un peuple par la discorde en le poussant soit à la passivité par des stratégies de sidération, de dépendance économique (chômage de masse), soit à la lutte armée par le financement direct de groupuscules révolutionnaires facilite la prise d’influence et le contrôle. À ce stade, le choix de dissoudre certaines associations d’agitateurs peut être pris.

3) Crise

Comme expliqué plus haut, la crise survient lorsque divers groupes d’agitateurs n’ont pas été contenus. Une crise se caractérise par un effondrement de la confiance placée par les citoyens dans les institutions ou leurs dirigeants, une demande de renouveau et de changement, voire une demande d’autorité (pour endiguer l’explosion de la criminalité[14]). Lorsque tous les organes traditionnels de la société ont été rendus inopérants ou qu’ils se sont ralliés dans leur majorité, les relais ou officines autorisées prennent le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire empêchant la société de fonctionner correctement et plaçant le peuple dans un tel état d’insécurité et d’abattement qu’il réclame lui-même l’autorité ou le sauveur qui viendra redresser la situation. Cette personne – en réalité un petit groupe de personnes –  peut venir soit de l’intérieur, soit de l’extérieur (un pays voisin, une organisation internationale, une banque). A ce stade, la résolution d’une crise ne peut se faire que d’une seule manière : la mise en place d’un gouvernement fort, voire dur.

4) Normalisation

Les autres débouchés possibles sont de nature uniquement militaire et se déclinent en deux versions : la guerre civile ou l’invasion[15]. Dans les deux cas, cela profite soit à une force intérieure – manipulée ou pas de l’extérieur -, soit directement à une force extérieure qui impose son pouvoir par la force de la matraque et la restriction générale de libertés. Si l’entreprise subversive réussit, la population sera dans un état de dépendance, de paralysie et de démoralisation tel qu’elle ne s’opposera pas à la prise de pouvoir par l’infime minorité qui constituera la caste des nouveaux dirigeants. Les agents dormants, les useful idiots (idiots utiles) ou les agents de subversion sont évacués ou supprimés, socialement ou physiquement. On installera à ce moment un nouveau gouvernement avec une nouvelle machine d’État. Les forces sociales sont tellement affaiblies par la crise qui précède qu’elles n’ont pas les moyens de se révolter en masse. Les quelques foyers de résistance qui subsistent sont pourchassés et éliminés.

Évidemment, ce processus général peut être caractérisé par la montée en puissance de protagonistes divers, voire ennemis. Divers camps lutteront entre eux et diverses forces lutteront en leur sein pour la possession du pouvoir. Dans le cas de la Chine par exemple, la rencontre avec l’Occident et la guerre de l’Opium (1840) qui appauvrira considérablement le pays économiquement et socialement[16] provoquera diverses révoltes dont la plus célèbre est celle des Taiping, l’invasion étrangère notamment française et anglaise, la chute des Qing – la dynastie mandchoue qui était étrangère, une remise en cause globale des valeurs traditionnelles chinoises – « A bas Confucius et sa boutique ! », la fondation de la République en 1911, la lutte des seigneurs de guerre, la montée en puissance du parti communiste chinois grâce à une stratégie de guérilla, l’invasion japonaise, le repli des nationalistes du Kuomintang à Taïwan et la victoire finale du communisme. Au sein du parti communiste chinois diverses factions se battront pour le pouvoir jusqu’à ce que Mao Zedong l’emporte et règne en autocrate sur la Chine jusqu’à sa mort. Les réformes entreprises par Deng Xiaoping feront passer la Chine très rapidement au socialisme de marché, le dernier mouvement social d’ampleur étant Tian An Men en 1989.

 

Conclusion :

Le processus décrit ici paraîtra sans doute simpliste aux yeux du lecteur, mais il a le mérite de montrer les différentes étapes possibles de l’effondrement d’une société. Comme nous l’avons fait remarquer plus haut, les pays et les nations sont traversées par de multiples forces en lutte constante : régionales, supranationales, étrangères. Des pays étrangers mettent en place sur notre sol – et nous le faisons aussi ailleurs – des stratégies d’influences culturelles, économiques multiples dont nous ne sommes pas forcément conscients par manque d’information, parce que ce sont souvent des débats tenus secrets et aussi parce que la reconstruction du processus en constante évolution dépasse sans doute largement l’esprit humain. Aujourd’hui, nous constatons que l’Europe est en crise et que cette crise et globale : religieuse, intellectuelle, politique, économique, sociale, artistique. De plus en plus de voix s’élèvent pour appeler à un pouvoir fort qu’il soit national ou européen, voire mondial comme le souhaiterait Jacques Attali. De plus en plus de gens sentent que la situation actuelle menace d’être explosive, que la France dérive potentiellement vers la guerre civile ou que nous risquons tous de glisser vers une  quatrième  guerre mondiale[17] qui risquerait bien d’être plus terrible que les deux précédentes.

Chacun a sa propre vision des mesures à prendre et elles diffèrent énormément tant par leurs finalités que par les moyens à utiliser. Le résultat ne ressemblera sans doute pas à ce que nous visons chacun individuellement. Il semble cependant qu’il soit nécessaire et urgent, non pas par choix partisan mais pour des questions de survie, de rechercher une Pax Oecumenica. et Celle-ci ne viendra que des peuples, pas de leurs dirigeants. Ces derniers auront pour intérêt de nous faire rentrer, de gré ou de force dans une logique de « montée aux extrêmes », processus inéluctable d’entrée dans un conflit armé qu’il s’agira de désamorcer à toutes les échelles, de la famille au supra-État en passant par le quartier, le village, la région, la nation… Elle passe aussi par la mise en place de contre-pouvoirs à l’État et je n’en vois qu’un : la religion.

Dans un prochain article, nous verrons ensemble comment mettre en place des stratégies de lutte afin d’atteindre cet objectif.

Bibliographie :

Sun Tzu, L’art de la guerre, Ed. Hachette Littératures, Paris, 2008
Carl von Clausewitz, De la guerre, Ed. Perrin, Tempus, Paris, 2006
David Galula, Contre-insurrection, Ed. Economica, Paris, 2008
Le livre des 36 stratégies, Presses du Châtelet, Paris, 2011
Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives, Ed. PUF, Coll. Sociologies, 1979
Zbigniew Bzrezinski, Le grand échiquier, Ed. Fayard, Coll. Pluriel, Paris


[1] En mandarin 孫子兵法 Sunzi bing fa

[2] Voir Sunzi, L’art de la guerre ou le Livre des 36 stratégies, Presses du Châtelet, Paris, 2011, manuel inspiré du 易經 Yijing datant de la fin de la dynastie Ming ou du début des Qing retrouvé parmi d’autres manuscrits taoïstes par un officier du Guomintang dans un marché du Shanxi en 1941. Sunzi faisait partie de l’enseignement obligatoire dans les académies militaires russes, mais n’avait pas la même influence aux États-Unis ou même en Europe.

[3] La récente affaire Snowden n’a fait que révéler au grand jour ce qui n’était qu’un état de fait. Soulignons également que la « guerre contre le terrorisme » désigne un ennemi insaisissable et non identifiable tant sur le terrain – le combattant moudjahidine pouvant se transformer en quelques secondes en un villageois innocent – que conceptuellement : on parlera de « mouvance » Al Quaeda.

[4] Les médias de masse ont ceci de particulier qu’ils délivrent un grand nombre d’informations sans que l’on ait le temps ni les moyens d’exercer un contrôle sur le contenu, tout en ayant un extraordinaire pouvoir de suggestion créateur de phénomènes collectifs, les gens, éprouvant le besoin de s’informer s’y exposant de manière volontaire. Les terroristes l’ont parfaitement compris et savent jouer de la faible résilience des esprits occidentaux à l’attaque médiatique. On peut parler de stratégie de la sidération : mettre en place des agressions spectaculaires – constituant autant de spots publicitaires abondamment relayées par les médias nationaux – qui contribueront à entretenir un climat de terreur. Soit des attentats ou alors la création de nouveaux comités de salut public

[5] La propagande, qui emprunte souvent les mêmes supports et techniques que la publicité est la plupart du temps le fait des services secrets, nationaux ou étrangers. La propagande blanche, essentiellement destinée à l’intérieur des frontières d’une aire géographique donnée, a ouvertement pour but de monter plus ou moins en épingle une information, une personnalité, une entreprise, une nouvelle alliance avec un pays, etc. et ne s’adresse qu’aux partisans d’une cause ou aux hésitants. La propagande grise maintient un flou artistique sur son origine et son appartenance. La propagande noire est elle conçue pour nuire à un pays étranger, une entreprise étrangère ou des personnalités en prétendant parler en leur nom. Elle peut être diffusée soit à l’intérieur des frontières du pays d’origine, soit à l’intérieur des frontières du pays attaqué, afin de nuire aux bonnes relations entre celui-ci et un pays tiers. L’influence se fait toujours par l’intermédiaire d’un agent d’influence. Certaines de ces techniques ont été connues sous le nom d’agitprop.

Pour plus de renseignements à ce sujet, voir de Jacques Léger et Lieutenant-Colonel X, Missions, méthodes, techniques spéciales des services secrets au 21e siècle, Ed. Regard sur le monde, 2013

[6] Ces partisans pourront d’ailleurs être contrôlés par une puissance étrangère, voir Le livre des 36 stratégies, stratagème 3 : 借刀殺人 Jie dao sha ren, « assassiner avec le poignard d’un autre » et stratagème 14 : 借屍還魂 Jie shi huan hun, « rendre une âme à un cadavre d’emprunt ». Cette technique a été largement pratiquée par la CIA contre l’URSS et les régimes communistes d’Amérique du sud.

[7] On peut rapprocher cette remarque du Livre blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale (disponible ici) renforçant le dispositif de renseignement au détriment de l’armée d’active, ainsi que de la réapparition dans les récents conflits ayant mobilisé les États-Unis, en Irak ou en Afghanistan du mercenariat via des entreprises privées comme Academi, aussi connue sous le nom de Xe ou Blackwater.

[8] Ce que faisait remarquer Brzezinski dans Le grand échiquier. Évidemment, cela ne minimise pas pour autant le pouvoir des États. L’introduction annonce directement le but de l’ouvrage : asseoir et renforcer l’hégémonie américaine et empêcher l’émergence d’une puissance capable de rivaliser avec les États-Unis sur le continent Eurasien.

[9] « Il serait donc plus exact de dire qu’il […] existe des méta-groupes qui transcendent leurs différences religieuses et idéologiques, qui collaborent avec les gouvernements et sont capables de modifier les politiques gouvernementales (notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne le trafic international de drogue). » Peter Dale Scott, Vers le nouveau désordre mondial, p. 250-251

[10] Soit la classe dirigeante, ou encore les groupes marginaux. Lire à ce sujet de Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives, Ed. PUF, Coll. Sociologies, 1979, disponible ici au téléchargement.

[11] Dans Les possédés, Verkhovensky s’adresse à Stavroguine en ces termes qui résument parfaitement notre propos : « Écoutez, nous commencerons par provoquer des troubles. Je vous l’ai déjà dit : nous pénétrerons au plus profond du peuple. Savez-vous que nous sommes terriblement forts ? Les nôtres, ce ne sont pas seulement ceux qui brûlent et égorgent. Ceux-là ne font que nous gêner. Je ne connais rien  sans discipline.(….) Écoutez, je les ai tous dénombrés : le maître d’école, qui rit avec les enfants de leur Dieu et de leur berceau est des nôtres. L’avocat, qui défend un assassin instruit en disant qu’il est plus cultivé que ses victimes et ne pouvait faire autrement que de tuer pour se procurer de l’argent est des nôtres. Les écoliers, qui ont tué un paysan pour éprouver les sensations qu’apporte le meurtre, sont des nôtres. Les jurés qui acquittent des criminels sont des nôtres. Ajoutez à cela les administrateurs, les écrivains, et ils sont nombreux. D’autre part, l’obéissance des écoliers et des nigauds est absolue ; les éducateurs sont gonflés de fiel ; partout règne une vanité démesurée, un appétit bestial (….) », Dostoïevski, Les possédés

[12] Il semble que ça soit le rôle notamment aujourd’hui des militants des causes gay et queer, le soutien massif d’institutions internationales et de la diplomatie américaine laisse penser qu’ils entrent parfaitement dans une stratégie de subversion permettant la déstabilisation en profondeur de la société civile. Dans ce cadre, on peut analyser les récentes décisions prises en Russie d’interdire la propagande homosexualiste comme des stratégies de contre-subversion.

[13] C’est comme cela que Machiavel appelle l’oligarchie dans « Le Prince », prince dont le devoir est de limiter l’intérêt des grands pour qu’ils n’empiètent pas sur ceux du peuple ainsi que l’intérêt du peuple pour qu’il n’empiète pas trop non plus sur celui des grands.

[14] C’est en substance le résultat du dernier « Baromètre de la confiance politique » édité par le Cevipof que vous trouverez en ligne ici.

[15] Voir le 5ème des stratagèmes chinois : « 趁火打劫, Profiter d’un incendie pour frapper et piller votre ennemi », Le livre des 36 stratégies, Presses du Châtelet

[16] A la fin du XIXème siècle, 20% de la population chinoise était devenue opiomane.

[17] La guerre froide peut-être considérée comme une guerre mondiale, caractérisée par la subversion idéologique et comme une bataille par services interposés plus que par le conflit armé proprement dit.